Plusieurs manifestations ont eu lieu le weekend dernier pour rendre hommage à Mehdi Kessaci, une jeune victime du narcotrafic. À cette occasion, politiques et militants ont appelé à durcir la lutte contre le fléau de la drogue en travaillant notamment sur le renseignement. Il faudra par exemple exiger l’accessibilité aux messageries cryptées, où se déroule l’essentiel des échanges entre trafiquants et recrus. Mais les questions de vie privée et de sécurité pourraient constituer un obstacle à une telle mesure.
Plus d’une semaine après l’assassinat de Mehdi Kessaci, victime du narcobanditisme, les Français se sont rassemblés samedi dernier dans plusieurs villes, dont Marseille et Rennes, pour lui rendre hommage. Des politiques de tous bords et des membres du gouvernement ont pris part à ces processions. Tous ont appelé à mettre fin à ce monstre qu’est le narcotrafic, qui s’est infiltré partout en France et sème la désolation dans les familles.
Travailler sur le renseignement pour endiguer le narcotrafic
Âgé de 20 ans, Mehdi Kessaci a été tué par deux hommes le jeudi 13 novembre, à Marseille. À ce jour, les enquêteurs privilégient la piste du « crime d’intimidation » lié au militantisme de son frère Amine, 22 ans, qui s’est lancé dans le combat contre le trafic de drogue depuis la mort d’un premier frère en 2020. Amine Kessaci vit désormais sous protection policière à cause des menaces reçues. Face au pouvoir croissant des trafiquants de drogue en France, élus et militants demandent à l’État plus d’engagements. Si certains appellent au renforcement des sanctions pour endiguer le fléau, d’autres suggèrent de travailler davantage sur le renseignement. Ces derniers souhaitent que les services de police aient accès aux messageries cryptées et aux applications de cryptomonnaies.
Le narcotrafic pèse aujourd’hui environ 6 milliards d’euros
Les messageries cryptées comme Signal, WhatsApp, Telegram ou encore ProtonMail sont devenus les principaux canaux par lesquels les trafiquants organisent leurs réseaux à l’abri des interceptions. C’est sur ces plateformes qu’ils recrutent des vendeurs, parfois des mineurs, et échangent sur leurs activités. Ces criminels utilisent ensuite les crypto-monnaies pour blanchir les fonds issus du trafic de stupéfiants. Ce marché illicite pèse aujourd’hui environ 6 milliards d’euros, et emploie pas moins de 250 000 personnes qui y travaillent et agissent avec violence, allant souvent jusqu’au crime. En France, une ville comme Marseille est gangrenée par ce fléau mondial.
Une loi pour forcer les messageries cryptées et les services de cryptomonnaies à collaborer dans la lutte contre le narcotrafic
Pour en venir à bout, les parlementaires ont adopté, le 13 juin 2025, la Loi Narcotrafic qui vise notamment à étendre les moyens de surveillance au numérique, avec en ligne de mire les messageries chiffrées et les crypto-actifs. Cette loi introduit une obligation accrue de « coopération » pour les fournisseurs de ces services. Ceux-ci devront ouvrir des portes dérobées (backdoors) pour les forces de police, mettre à leur disposition des métadonnées d’échanges et stocker obligatoirement certaines données chiffrées dans des « dossiers coffres » pour exploitation ultérieure. Quant aux banques, fintech et plateformes crypto, elles devront installer des outils de détection renforcés. La loi prévoit des sanctions pénales et financières en cas de défaut de vigilance ou de refus de coopérer, allant jusqu’à 5 ans de prison et 150 000 euros d’amende.
Plusieurs pays veulent sauter le verrou des messageries cryptées
Si la Loi Narcotrafic cible explicitement les messageries cryptées et les cryptomonnaies, elle ne distingue pas les criminels des journalistes, avocats ou militants qui utilisent ces plateformes pour protéger leurs communications sensibles. Elle expose aussi les entreprises de sécurité et de cybersécurité française. Par ailleurs, des utilisateurs ordinaires soucieux de leur vie privée ne devraient pas apprécier une telle intrusion. On pourrait s’attendre de des procédures juridiques au niveau européen puisque la surveillance des messageries fragilise la protection des sources, pourtant garantie par la loi française et la CEDH. Notons toutefois que la France ne fait que s’aligner sur une tendance mondiale. Plusieurs pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, veulent se servir de la lutte contre le crime comme d’un argument pour des intrusions technologiques massives.